UNE EXPRESSION ARTISTIQUE

AFFIRMATION D’UNE POSTURE ARTISTIQUE

Au début, les impros font dans le « fun » selon le mot de Didier Mindia. Puis succéderont les textes plus « engagés, politiques, conscients ». Ainsi les premiers enregistrements affichent cette vocation militante (Section Otoktone, Ybal Khan, Kydam, plus tard Nasty & Réza…). 

Le courant s’appuie à la fin des 2000 sur une popularité croissante liée à la circulation généralisée de l’image. Avec son label 120prod, Vincent Lépine deviendra familier aux amateurs du genre, grâce à plusieurs clips révélant une recherche esthétique singulière (Petit Kanak, l’Usine). Les rappeurs jouent progressivement avec leur image, interprétant des personnages parfois outranciers (Lenimirc), une mise en scène dans un espace scénarisé.

Nasty et Réza (Crédit photo : Eric)

PUISER DANS LE VIVIER OCÉANIEN

En 2015, lors d’une résidence artistique initiée par le collectif SIAPO, le rappeur King Kapisi (Néo-Zélandais d’origine samoane) profite de son passage sur le Caillou pour braver les barrières de la langue lors d’un featuring avec Kydam et Ykson. Une réflexion fait jour sur une meilleure prise en compte dans les productions du patrimoine de sons, de langues et d’instruments océaniens. Quant à la Section Autochtone du Pacifique, si elle s’est orientée vers une approche plus « slam » sous la houlette d’Arnaud Chollet-Leakava, sa capacité à convier des instruments traditionnels kanak aussi bien que tahitiens ou wallisiens, offre des perspectives prometteuses dans l’approche artistique.

LE MÉLANGE DES GENRES

Fidèles au brassage musical qui caractérise le Caillou, les MC locaux apprécient les variations dans le phrasé et se tiennent au carrefour des genres (kaneka, reggae, ragga, zouk…). Gangsta rap, trap ou drill… les dernières mutations du rap venues de l’Hémisphère Nord ont aussi trouvé leurs échos sur le Caillou ces dernières années, à la faveur des nouveaux médias qui interconnectent les scènes du monde. Quant aux frontières ténues qui séparent le rap du slam, nombre d’interprètes la franchissent (Préchal, Arnaud Chollet-Leakava, Resh, Valdel…).

Prechal (Crédit photo : Rick Togna)

KRAKEN HITTA

Beatmaker

« C’est une musique énergique qui par son essence mélangeait déjà des choses plus anciennes, forcément entendues, dont je m’étais aussi imprégné. Le style m’a musicalement accroché par l’intention, les textes qui étaient mis dessus et l’univers réaliste que ça décrivait. Rien que la puissance de la musique faisait l’élégance de ce son. »

RASTA VIN'S

Ingénieur-son au studio du Rex et rappeur, membre de Pacifika Hood

 « Le hip-hop ici au Pays ne fait pas forcément partie de la culture profonde. Donc ça a été difficile de l’implanter… Mais aujourd’hui les jeunes dans la rue, ils écoutent du Gradur, du Booba, alors qu’avant c’était beaucoup moins ça. Je pense que le rap va clairement exploser, parce qu’il y a des connexions qui commencent à se faire… On va prochainement arriver à s’exporter beaucoup plus facilement. J’ai confiance en tous les talents du Pays, toutes cultures confondues, styles ou ethnies confondus. Il y a du très lourd ici. J’en ai eu des frissons plus d’une fois, rien qu’en écoutant des voix d’ici ! » 

GEARY

« Au début ça me faisait flipper de monter sur scène. Je me disais que les gens me connaissaient pour ma musique, qu’ils voulaient écouter ma voix – pas me voir ! Mais quand j’ai commencé à monter sur scène, de voir le public être content, heureux, aimer la vibe qu’on leur donne, ça m’a réchauffé le cœur. Après on ne se sent plus seule. » 

AWAII DE LA HYBRID FAMILY

« Dans sa façon de parler le rap est violent, protestataire. Le langage familier est mis en avant afin que les gens comprennent directement. On ne passe pas par quatre chemins, c’est un peu ça ma définition du rap. Ici on est sur une terre où il y a beaucoup de tabous et de non-dits. Il ne faut pas trop dire de choses ni ‘parler bêtement’… C’est pour ça qu’il n’y a peut-être pas tant de rappeurs qui sortent du lot et assument ce qu’ils veulent dire jusqu’au bout… La danse, c’est plus facile ; tandis que les mots ont un impact direct sur le cerveau. »