L’EGOTRIP DU GRAND NOUMÉA
TROUVER SES REPÈRES DANS LA CITÉ
La scène rap a d’emblée reflété la diversité des communautés présentes dans le Grand Nouméa. Les thèmes liés à la vie urbaine irriguent bien sûr les textes, qu’ils soient sociétaux (inégalités économiques, détérioration du tissu communautaire) ou environnementaux (pollution)… En 2003, la Section Otoktone sort un EP au titre évocateur : On vient de la rue… Le morceau La Calédonie casse la carte postale :
![culturestreet -section otoktone](https://culturestreet.nc/wp-content/uploads/2023/01/Photo-a-la-une-site-35.jpg)
Section Otoktone
… Ici le décor des îles est mélangé avec ce goût infect… du décor des villes… Ici le sable est capable de se mélanger au ciment, tout ça pour faire du béton Ici les nuages se mélangent – apparemment, ça arrange… – à la fumée du nickel Y a trop de poussières dans notre air pour avoir… les poumons nickel…
En 2006, Ybal Khan partage le vécu et le ressenti d’une Jeunesse urbaine qu’il qualifie dans le refrain de « prisonnière du béton » :
… J’ai grandi dans la City, perdu et sans boussole
Et vu que parfois les frères se perdent aussi, nos mères s’affolent
Le malaise se ressent car j’ai le cul entre deux chaises…
Avec Pour tous les quartiers, il renouvelle un an plus tard l’hommage à cette jeunesse qui tente de s’inventer de nouveaux repères. Parmi les thématiques relevées par les différents rappeurs kanak s’impose le contraste entre un terroir tribal et les racines, et l’univers rude et anonyme d’une agglomération avec ses tentations, ses écueils et ses nouveaux codes. Les hommages à des proches disparus ou l’affirmation de solidarités nouvelles entre quartiers s’expriment aussi, plus ou moins cryptées. Aux portes de la ville, le Camp Est est régulièrement évoqué dans les textes, comme un jalon entre ombre et lumière.
UN NO RAP’S LAND ?
Il n’existe pas de lieu emblématique réservé aux concerts de rap : au fil des années, les événements spécifiques (Rap Party, Stop la Violence, Pour Exister, Mix en Bouche…), les apparitions lors de festivals plus généralistes (Femmes Funk, Francofolies…) ou les scènes dans des lieux culturels (Théâtre de l’Île, Mouv, Centre Culturel Tjibaou…) se suivent mais se rééditent peu. Au fil des générations, ce sont certains bars (l’Imprévu, le Bohême) ou enseignes (Hot Spot) qui font figure de repaires, pour la circulation des CD ou leur programmation hip-hop.
![culturestreet - mix en bouche](https://culturestreet.nc/wp-content/uploads/2023/01/Sans-titre-14.jpg)
![culturestreet - Resh](https://culturestreet.nc/wp-content/uploads/2023/01/Photo-a-la-une-site-36.jpg)
Resh
NAISSANCE D’UN PARLER URBAIN
Les paroles s’inscrivent également dans un jeu constant d’allers-retours entre des références liées à un parler calédonien (Maré Monf de LTC ft LOPS) ou aux quartiers du Grand Nouméa, et l’influence d’un argot en provenance des grandes villes françaises. Quelques tentatives, encore timides, de rapper en langue vernaculaire émergent (Resh, Holsh ou Simanë en qene drehu, Louxstyle en ajië…).