LE REFLET DES ÉPOQUES

Années 90 : en mode underground

Le hip-hop influence d’abord la mode vestimentaire, avant d’irriguer les disciplines. Le graff, la breakdance, le rap sont alors indissociables. En 1990 apparait le collectif Apolstoa-33, issu de la première promotion de l’École d’art de Nouméa, à Ko We Kara. Il est emmené par le graffeur et rappeur Didier Mindia. Le terme underground prend tout son sens : il n’existe ni enregistrements, ni scènes régulières, ni soutien des acteurs institutionnels. À partir de 1994, les premières rap party* au Théâtre de l’Île tentent de fédérer un mouvement alors embryonnaire.

* Rap party : Contrairement à leur nom, ces premiers événements à rassembler les amateurs et acteurs du hip-hop dans les années 90-2000 font la part belle à la breakdance. Les séquences rap et open mic servent plutôt d’interludes entre les battle. Organisées au Théâtre de l’île, au Centre Culturel Tjibaou, puis au Mouv (Rivière-Salée).

Didier Mindia

Années 2000 : première reconnaissance

C’est le temps des premiers relais médiatiques et des messages sociétaux et identitaires. Yorky et sa Section Otoktone signent en 2003 le maxi On vient de la rue. Le crew Vandal Position (Ybal Khan et DJSE) signe coup sur coup trois maxis. Signe d’une première reconnaissance du milieu musical, le dernier obtiendra un Trophée de la Musique en 2004. Ybal Khan mène ensuite une carrière solo, avec notamment l’album Petit Kanak qui marque les esprits en 2010.

DJ SE

Ybal Khan

Années 2010 : la popularité entraîne une réelle prise en compte

En 2015, c’est au tour de l’album Légende de Kydam d’obtenir une flèche de la Musique. De manière générale l’influence grandissante de Youtube et des réseaux sociaux garantit une meilleure exposition aux clips et à l’expression musicale. En 2014, les mixtapes Ina di Rex prennent le relais des compilations Interdit à la Vente de 2006 et 2009. Elles offrent chaque année un espace d’expression et de promotion aux jeunes pousses comme aux rappeurs plus chevronnés.

Cette décennie marque également une réelle prise en compte de la discipline par les institutions : attribution du studio d’enregistrement du Rex à l’association Dix Vers Cités en 2012 ; quinzaine du hip-hop lancée par la province Sud en 2013 ; mise en place d’ateliers rap dans les maisons de quartier par la Mairie de Nouméa…

Kydam (Crédit photo : Eric)

CHRISTOPHE VENTOUME

Directeur de la salle de concert du Mouv’ depuis 1998, témoin-clé de l’évolution des scènes musicales du Grand Nouméa depuis les années 80.

« Au début, il y avait une pression de la société autour de nous qui était beaucoup plus forte – même si on avait envie, on était très hésitants. Ces barrières ont été levées, dans le rap comme dans d’autres domaines. Le monde artistique a pris son envol, et maintenant pour pratiquer les jeunes se posent moins de questions existentielles. »

DIDIER MINDIA

Apolstoa-33, début des 90s.

« On n’avait pas beaucoup l’image de ‘comment on était perçus’ parce que nous commencions, alors il fallait faire avancer la chose. En étant les précurseurs de ce mouvement, on s’est mis en danger d’une certaine façon ! Contrairement à la jeunesse d’aujourd’hui, on n’a pas vraiment eu d’aide de qui que ce soit. Il y a des gens qui ont fait les démarches, on a suivi. »

YBAL KHAN

Rappeur des années 2000-2010.

« Ma plus grande fierté, c’est d’avoir osé rapper quand le rap, localement, n’était pas bien établi. On nous regardait comme des extraterrestres, genre ‘c’est quoi cette musique ? C’est pas de la musique !’ Je suis content de l’avoir fait avec SE au final. » 

HYBRID FAMILY

Crew composé de rappeurs tous issus de la scène breakdance (Stan Dread, LMS, Lomes, Awaii) qui écrivent et composent depuis 2016. LMS & Awaii :

« En tant que danseurs dans une compagnie, on va plus chercher le message que la technique. C’est ce qui a enrichi notre écriture. Chacun de notre côté on écrivait, mais à un moment donné on a testé en commun. On a commencé avec ‘Dealer de rêve’. Pendant les événements hip-hop, après avoir dansé et participé aux battles, on profitait des open-mic. C’était deux trucs différents, mais la même culture hip-hop, la même énergie urbaine. Quand les compagnies ont vu ça, elles ont carrément associé le rap au spectacle ! On danse, puis à un moment donné LMS ou l’un d’entre nous entre pour rapper… Du coup on a carrément des petits lives, à l’intérieur des spectacles. »