“Nyâbéré” : une œuvre qui se fait entendre à l’UNC

C’était ce vendredi 24 novembre, qu’un spectacle a été représenté à l’université de la Nouvelle-Calédonie* par des acteurs urbains.

Une belle découverte pour l’équipe de Street King’z magazine qui à pu admirer cette avant-première qui différait des prestations habituelles. Mais quel était le message ? Et dans quel objectif ? La jeunesse se (re)construit par le biais du hip-hop et partage un motif commun : “redonner aux autres et contribuer au bien être des plus jeunes.”

Ils ont narré leurs histoires, en langue kanak et française, en s’appropriant leur performance en danse comme en slam. Chaque acteur représente un élément : l’eau, la terre, le feu, le vent,…Une précision dans les mouvements des personnages se faisait comprendre et emportait le public sous les sons de la flûte ainsi que des rythmiques reflétant nos airs locaux.

Un spectacle imagé et remplit de morale qu’est-ce projet intitulé “Nyâbéré” et qui a pour but de représenter une passerelle plurilingue afin de relier les mondes artistiques, institutionnelles et scolaires.

Pour parfaire ce projet, une résidence a eu lieu à l’UNC lors d’un programme chargé se tenant sur 5 jours pour nos artistes : visites, rencontres, récits, labo créatif, apprentissage des langues kanak avec autant d’intervenants tels que Richard Digoué, Imasango Boutin, Nicolas Kurtovitch, Stéphane Foucaud, Ricardo Poiwi, Sela Wan, FAMAX, Annick Kasovimoin pour ne citer qu’eux.

“ Nous avons tellement eu d’informations,..c’était bénéfique pour nous” nous partage Lomes à la fin du spectacle, des paroles qui confirment cette semaine de résidence riche en émotion.

 

Sous l’égide de L’UNC, initiatrice du projet, la Province Sud, l’Académie Des Langues Kanak et le Service d’Enseignement des Langues et de la Culture Kanak du Vice-Rectorat de la Nouvelle-Calédonie.

Extrait du poème de Imansago

ARPENTEURS DE LEUR VIE

Dans l’espace de la ville en sursis,
tiraillée par le temps de l’histoire
la mémoire et ses éclaboussures,
la femme s’avance sur la place
et s’assoit sur un banc
elle attend que lui parle un regard,
mais c’est un geste qui la retient.
Le groupe fait des sauts,
ajuste ses protections,
ancre des phrases au sol où
serpentent leurs corps
leur langage est
unique : dialogue de sourd-muet
pour qui n’aime ni le rap,
ni le break, ni le swing du hip-hop…
Ça tangue, ça bouge, ça flamboie,
ça ondule, ça décoiffe,
ça décape et ça crie en silence.
Silence de ceux
qui maîtrisent le tempo
et refusent le néant
des paroles avortées
car ici chaque note
est à sa juste place
et les figures des corps
sont leur message codé
pour éviter la haine
ou les mots qui font mal
s’élancent les danseurs
et disent autrement
les frontières des quartiers
et les plaies
des généalogies.
La femme les regarde
longuement
et découvre
une vérité première
sans réel décalage,
entre ces danseurs-là
et son humanité
le spectacle l’étonne
et lui redonne espoir
elle retrouve une quête
surgie des profondeurs
dans ses veines son sang
retrouve son élan
Qui sont-ils vraiment ?
Que cherchent-ils ?
Ces signes qu’ils se font
d’un geste de la main
d’un hochement de tête
ou d’un regard qui dure
Pourquoi ? Pour qui ? Quand et comment ?
elle choisit d’arrêter ses pensées
pour écouter leurs corps
les syllabes de leurs hanches,
de leurs coudes ou de leurs pieds tendus,
hurlent à qui veut entendre
un murmure
effaçant la colère
la peine
la perte d’identité
la violence la misère le respect muselé

Arpenteurs de leur vie
plutôt que de détruire
ou cracher leur dégoût,
ils préfèrent choisir
de naître
enfin
à l’avenir
sans douter un instant
d’être fiers d’avancer
oublieux de leurs poings au sang coagulé
ils osent
leur dignité
leur être
et leur lumière
Ils se donnent
au regard et à l’acceptation
d’une communication, appelant au pardon
pour qu’on les voie
vraiment
et comprenne leur chemin
Ils vivent cette musique-là
et orientent leurs choix
accordés parfaitement
à ce qu’ils sont
vraiment
finis les corps-à-corps
des affrontements féroces
où blessures sueur et sang
suintent d’amertume
leurs douleurs cicatrisent
Ils osent lever la tête
Aujourd’hui
ils dominent la place,
funambules de demain,
acteurs de leur avenir
accrochés à l’envie
de faire venir le mieux:
délaissant le « tant pis »
« c’est ainsi »
le monde est déglingué ,
mais la vie continue!
aujourd’hui
ils s’affirment et s’élèvent
sans ennui sans peur sans abandon
ils dansent leurs projets
leur appétit de vivre
le respect découvrant
la beauté de leur être
Breakers pour le plaisir !
Leurs corps arcs-tendus
survolent les non-dits
pour construire un dialogue
réel et sans rejet
où la peau se délave
des nuances de clair ou foncé
la femme les regarde
elle écoute leur souffle
puis choisit de partir
pour revenir demain.
Elle viendra pour comprendre
chaque geste chaque silence
défiant les échecs
et une quête de sens

Un doigt se lève
une main s’agite et le combat s’annonce
mais la violence s’efface
à l’articulation
de la peau qui se tend
sur les muscles fidèles
souriant à l’effort
des figures imposées.
mieux que les coups portés
le langage du corps
sans que ne coule le sang
s’achèvent les pas de danse
enchaînés aux mots-gestes
travaillés sans arrêt
pour la maîtrise acquise
avec laquelle ils sculptent
leur vie enracinée oubliant leurs ombres
ils creusent les minutes
et bâtissent leur avenir.
La femme sur le banc
oublie les paradoxes
du temps
que l’on mesure
cadencé, remonté,
perdu ou retrouvé…
elle le suspend aux fils…
à ces fils conducteurs,
passeurs de vies,
passeurs de maux
quand la musique la danse et la présence
portent leurs espérances
demain il fera jour
Et sur la place frappent
ses pensées à ses tempes :
j’ai marché sur le ciel comme eux
et j’ai brûlé mes mains
j’ai choisi de danser sur les crêtes du tempo et des mots
où mon sang et mon corps ont arpenté la terre
j’ai amendé le ciel pour mieux ouvrir les yeux
sur la cité nouvelle qu’il nous faut inventer
j’ai assumé mes choix ma vie et mes chemins
je suis restée fidèle
à mon unique certitude :
le soleil se lève à l’est

Merci aux SAIAN BREAKERS CREW : Soli, Thomas, Jean, Kenjy, Tony, Warren, Daniel,Alan, Julien et à Pierre le supporter!

© Imasango
Le 21/2/2004

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