Photo d'un graff visage de grand-mèresur un immeuble de Dumbéa

PABLO

Pablo a laissé ses années vandales de coté depuis longtemps. Il en tire encore aujourd’hui du prestige. Il fait partie de la première génération de graffeurs ayant vu le mouvement hip-hop déferler en Nouvelle-Calédonie. Concepteur, créateur, fondateur de crews et d’associations, il devient référent de la médiathèque municipale du Mont-Dore. Il nous raconte comment il a démocratisé les arts urbains.

J’ai découvert le rap à travers trois choses :

Le concert de MC Solaar à Kowe Kara (1995), l’ album d’IAM L’Ecole du micro argent (1997) et l’émission radio Timal (France Inter) qui diffusait du rap à la radio (fin 90’s début 2000).

Depuis que j’ai vu le groupe Yaness au collège de Normandie en 2001, ma passion pour la danse n’a fait que grandir. Ils ont dansé sur du Lil Bow Wow et Mc Solaar. D’innombrables souvenirs restent gravés dans mon esprit.

Quelques années plus tard, j’ai suivi la création du groupe de danse YFD à Yahoué (mon quartier) qui était la 1re génération dont les danseurs Kalé, Reb, Yox… J’ai fait un petit bout de chemin avec eux (j’étais branché « smurf » surtout à l’époque). C’était galère, car la bande s’entraînait sous le préau de l’école (il fallait se cacher à chaque passage de voiture de peur que des gendarmes ou la police nous aperçoivent).

Quand j’étais au lycée en 2003, des amis et moi avons monté une équipe de graffeurs : 738/STE. On avait des gars de plusieurs lycées, donc on éclatait beaucoup de murs, même en brousse du côté de Bourail, Poindimié…

On était assez fous à l’époque, on partait en vélo à 2 ou 3h du matin pour zoner dans les quartiers. Le but était de représenter un max avec des gros graffs vandal. C’était l’âge d’or du hip-hop où tout explosait. Il y avait beaucoup de rivalités entre crews, et même entre graffeurs. On était débiles car on se faisait la guerre !(avec le graffeur Zyon ou le crew ATM qui aujourd’hui sont des frangins avec qui je bosse). Mais c’est l’essence même du hip-hop, de naître de la rivalité pour se surpasser. Je pense qu’avec du recul, il est normal d’avoir eu ces discordes.

Au même moment, je me suis lancé dans l’écriture et j’ai formé un groupe de rap avec Artys (un frangin de Tonghoué) et Kara (la petite soeur du rappeur Ybal Khan).

On a fait notre première scène lors de la fête du lycée du Grand Nouméa en 2004 et 2005, ainsi que « Stop la violence » à la place des Cocotiers en 2006 devant le groupe Noyau Dur ! Gros stress !

Par la suite, je suis parti étudier en France (Septembre 2006) , c’est là que j’ai découvert les soirées de rap freestyles, les clashs et les gros concerts (Method Man, Busta Rhymes, Casey, La Rumeur, Chali 2Na, Talib Kweli…).

En France, je suis devenu MC (rappeur) avec des musiciens, notamment dans le groupe nommé La Taifa (fusion rap/jazz/rock).

Nous avons tourné et fait des spectacles d’ouvertures, j’en garde de beaux souvenirs.

Jouer avec des musiciens est une expérience formidable c’est pour cela que je souhaite à tous les rappeurs de s’expérimenter dans leurs domaines.

En 2009, j’ai fait une pause en France et je suis retourné dans ma ville natale.

J’ai effectué un stage de 5 mois au Rex (ouverture de la structure) et j’organisais la Radio Rex à la bibliothèque Bernheim.

Étant passionné de radio, j’ai organisé un plateau radio avec des interviews puis des performances en live.

J’ai enregistré un morceau de rap pour Yawe City afin de motiver la nouvelle génération de YFD : Jemes, Chax, Malik, Gyuls, Rico

Je venais de rapper au Freestye Session de RS avec Artys (La Chronik), cette année là c’est YFD qui a gagné !

Puis je suis reparti en France.

En 2012, je suis parti au Burkina Faso et j’ai été invité au festival Waga hip-hop dans la capitale d’ Ouagadougou. J’ai monté un projet de rencontre entre graffeurs de Marseille (où j’habitais) et des graffeurs locaux. Lourd projet !

Puis en 2013, je suis de nouveau revenu au pays et j’ai pris le poste de chargé d’actions jeunesse et communication au Rex, par la suite j’ai créé mon association 10Vers Cités avec Rasta Vins et toute la bande d’Ina Di Street. De là est né le studio d’enregistrement au Rex et on a publié une mixtape par an depuis 2014.

Avec l’équipe, nous avons organisé des soirées rap (concerts/clash/open mic) dans différentes discothèques de Nouméa. Nous avons organisé Mix en bouch, le premier concert 100% rap, DJ, Beatbox (de 2014 à 2019) pendant la Quinzaine du Hip-Hop. Nous avons fait notre première tournée hip-hop en 2018 qui comprenait 5 dates (La Foa, Bourail, Koné, Thio, Nouméa) avec des ateliers graffiti, danse, rap, beatmaking en journée et des shows rap en soirée. Nous avions invités des artistes comme DJ Djel (Fonky Family), Demi-Portion. Collaborer et tripper avec la bande d’IAM (première partie assurée par des gars du crew) et faire visiter notre caillou à Big Flo et Oli (en 2013 lors de leur première venue) étaient un pur plaisir.

Nous avons préparé le premier concours de beatmaking au pays dont le but est de valoriser les acteurs de l’ombre que sont les beatmakers.

Nous avons créé un cycle de rencontre sonore entre beatmakers et musiciens professionnels : notre idée est d’inclure les sonorités locales, océaniennes, mélanésiennes avec le son hip-hop actuel. (bwandjep, bambous, flute de roseaux, fougères, …) (3 rencontres déjà faites)

Et vient ensuite l’exposition sur l’histoire du RAP dans le pays pour montrer qu’ici la discipline a son histoire, ses acteurs et ses combats.

LE HIP HOP : INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE

J’aime la culture hip-hop car j’aime ses valeurs : l’amour, le respect, la paix, l’unité et surtout faut kiffer la life !

Le freestyle et la spontanéité sont des choses qui nous unissent dans le mouvement. On aime crier, s’exalter devant une figure, une phase, une punchline.

Cette culture existe depuis plus de 40 ans mais je m’y sens bien car c’est un véritable mode de vie, une façon de concevoir le monde.

Aujourd’hui je vie avec une B-Girl (B-girl Pocahontas), ma belle-famille regorge de danseurs ou personnalités du mouvement (Bboy Sins, Bgirl Amer, Shedy qui fait partie de Tune Ka La Mel, Caihe leader de Just Tricks…). Mon propre frère est graffeur (Kesta, GB crew), il suit les étapes que nous avons définies avec mon crew de graffeurs.

Le hip-hop est partout dans ma vie ! 

Après avoir travaillé au Rex (départ en 2016), j’ai rejoint la ville du Mont-dore, où je suis en charge de la médiathèque municipale (n’est-ce pas une belle réussite pour un rappeur ?)

Depuis 6 ans, j’y organise la semaine slam pour transmettre et partager l’envie de parler devant le micro.

Depuis le début de cette année, je suis devenu le référent des cultures urbaines pour la commune, c’est-à-dire que je suis en charge de toutes les actions hip-hop et street culture qui se déroulent dans la ville (ateliers, événements, battles, spectacles, concerts…). C’est une belle reconnaissance car je suis un garçon de la commune qui a commencé la danse, le graffiti et le rap à Yahoué, et je suis heureux et fier de représenter et défendre notre culture dans la communauté.

Vendredi

par Goks & Pablöw (ADH SNDK) | Nom de l'album

OBJECTIFS DE L'ANTHOLOGIE DU RAP

Pourquoi appelle-t-on ça une anthologie aujourd’hui alors qu’on parle plus d’expositions ?

Nous sommes partis d’un livre inspiré de l’anthologie du slam calédonien. Puis finalement, on s’est appareillé d’une exposition avec une version en ligne pour se rattacher au jeune public.

On constate que de nombreux jeunes pratiquent ou écoutent du rap mais ne connaissent pas forcément l’histoire de cette discipline au pays. On a tout simplement voulu la raconter pour que ça ne se perde pas. C’est à notre humble niveau que nous ajoutons une pierre à l’édifice.

Elle a été pensée comme itinérante donc on souhaite qu’elle circule au pays. De plus, tout un volet d’ateliers, rencontres et performances accompagnent l’exposition.

Une véritable « boîte à outils » capable de se déployer n’importe où !

Crédit photo : Ivan Zupacevic (dernière photo)

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