Des jeunes artistes propulsés au cœur du festival Hip-hop et de l’écologie au MK2

Rap, graff, danse : 

de nombreuses disciplines du hip-hop sont célébrées durant six jours au cinéma MK2 Dumbéa. L’objectif des organisateurs est de mettre en lumière les artistes émergents locaux.

Le festival célèbre la culture hip-hop dans toute sa diversité en mettant en valeur la jeune scène calédonienne. La programmation s’étend depuis dimanche dernier, elle a commencé avec des showcases de deux rappeurs du pays : Chavi et Iouri du groupe Highlanders, elle se clôtura le vendredi 1er septembre.

Sans oublier l’inauguration de graff réalisé par la jeune artiste Morgane, qui d’ailleurs a remporté le prix d’excellence de l’année dernière lors du festival hip-hop et des femmes.

Des invités comme Valérie Breish de la Global team et son président représentaient l’univers de la glisse et Alexia Duchesnes, chargée de la jeunesse et de la culture à la Province sud étaient aussi présents.

Toujours attachée à porter et défendre, avec ses nombreux partenaires (La province sud, Urban films festival, Rstyle, la commune de Dumbéa et nous-mêmes Street King’z magazine), la dynamique pluridisciplinaire du MK2 – Aide aux Musiques Innovatrices propose un temps fort mêlant ateliers, résidences de création, accompagnement à la scène, spectacles musique et danse, plateau radio et concerts.

Parmi les nouveautés cette année, le festival met en conversation l’écologie et le hip-hop afin d’honorer la filiation de la valeur, tel que « respect » qui a été notamment exprimé hier soir, dans le cadre d’un battle inédit coorganisé avec Street King’z Magazine. Un battle dont plusieurs bboys et bgirls intergénérationnels ont défendu leurs styles breaking en dépassant leurs plus belles performances.

De gauche à droite (les jurys) : Kelly représentante  du crew SBC, Bboy Natsu du crew UBC et Emile de Street Force.

Bboy Solo (2ème place) et Bboy Awaii (vainqueur du battle)

Portfolio

Silence on tourne

La structure a accueilli les danseurs de la compagnie Wolfamily en résidence pour un temps de peaufinage de leur célèbre spectacle « Silence on tourne ».

Une création créée par Pockemon Crew (une compagnie de danseurs Lyonnais) qui a décidé d’explorer deux mondes qui la passionnent : « Le cinéma et l’origine de certains mouvements hip-hop ».

Un retour dans le passé grâce aux décors et costumes des danseurs, tout pour nous surprendre et nous faire voyager dans des comédies musicales de l’époque où l’on peut retrouver cette énergie. Une succession de tableaux aux rythmes variés pour rendre hommage au cinéma avec énergie et humour !

Aussi, tout en faisant toujours la part belle à la scène locale, le festival invitera cette année plusieurs artistes phares du mouvement tels que Bboy Natsu et Bboy JC que l’on retrouvera ce soir avec Elatiana Razafi, professeur à l’université de l’UNC, Christel Marie suivant de près le mouvement urbain pour une thèse qui verra bientôt le jour et Pablöw œuvrant pour la communauté hip-hop.

 Pour terminer le festival comme il se doit, quoi de mieux que de venir profiter du film « La haine » de Mathieu Kassovitz et d’un showcase de l’artiste Vincent C.

Interview

Severine Lathuillière

Séverine Lathuillière, directrice du MK2 Dumbéa

De formation universitaire (Doctorat Lettres Modernes/Arts du Spectacle-Paris X) Séverine Lathuillière Pinkasfeld a un parcours transversal complet. Réalisatrice et Productrice pendant dix ans pour les Ateliers de Création de Radio France : Pablo Casals, Vinylmania, Nos Bandes Originales, Bol d’air – 3 minutes pour la planète,  Le petit journal de MAI 68… diffusés sur France Inter, France Culture, France Musique, France Bleu. Parallèlement, elle met en scène différents spectacles où elle mêle théâtre et cinéma. Elle poursuit également un travail de vidéaste qui s’expose dans différents lieux d’art contemporain. L’hybridation des techniques est la base de son travail artistique. Elle fonde Naia Productions avec Philippe Aigle en 2009.

Séverine, une seconde édition se déroule au Mk2, quelle est la programmation et qu’est-ce qu’on pourra retrouver lors de ce festival ?

 L’année 2023 au mk2 est consacrée à « prendre soin », prendre soin de la planète et prendre soin de soi, nous avons donc décliné la thématique sur le Festival « Du Hip Hop et de l’Écologie » pour regarder comment le Mouvement s’approprie cette thématique. Depuis ses débuts dans les 70’s, le Mouvement est contestataire et protéiforme. En 2009, le groupe Assassins débarque dans les bacs avec « Sauvons la Planète », ils rappent le trou dans l’atmosphère, la pollution des mers, les essais nucléaires et critiquent la politique économique des grandes puissances. Le festival commence donc dimanche avec le film d’Orelsan « Comment c’est loin ». Aurélien Cotentin, de son vrai nom, est depuis des années le rappeur engagé qui s’interroge sur le monde qu’il va transmettre à ses enfants : « On va s’faire rattraper par la Terre » clame-t-il dans l’intro de « Civilisation perdue ».

Ensuite, le festival aborde l’écologie culturelle au sens large avec « Dancing In A Yard » documentaire de Manuella Dalle, « Bliss » le film de Drew Barrymore ou « Tenor » de Claude Zidi Junior, on fuit sa condition grâce à la danse, au chant ou au roller derby. Émancipation ou découverte de discipline artistique, c’est aussi ça le rôle du festival permettre au public de découvrir des films de tous les horizons et de toutes formes. Enfin on termine vendredi soir avec un film culte « La Haine » de Mathieu Kassovitz. Autour des films, on accueille b-boys et b-girls dans le hall pour un battle, le spectacle de la Wolf Family « Silence on tourne » qui répète au mk2 depuis plusieurs mois, B-boy JC et B-Boy Natsu pour une choré exclusive, des showcases avec Iouri et Chavi et Vincent C. et puis une causerie avec l’universitaire Elatiana Razafi, Christèle Marie et Pablöw et enfin nouvelle fresque sublime sur l’écologie dans l’espace atelier réalisé par Morgane qui avait gagné le concours l’année dernière !

https://eco-hip-hop.crd.co/.

L’Urban Film Festival (UFF) est partenaire de cet événement, l’associer à ce festival était plus que primordial n’est-ce pas ?

Oui, bien sûr, François Gautret le fondateur de l’Urban Film Festival est très attaché à la Nouvelle-Calédonie et nous sommes, nous, très attachés au travail de François. Il est aujourd’hui une des personnalités françaises qui connait le mieux le Mouvement tant dans son histoire, ses acteurs, ses territoires. Il a été le commissaire de la sublime expo « Hip Hop 360 » à la Philharmonie de Paris, il fait un travail d’archives extraordinaire et depuis 1999 avec son agence Rstyle il organise des manifestations passionnantes sur la culture urbaine. Il sera en zoom avec nous dimanche soir et nous parlera de SPOT24, 1000m2 devant la Tour Eiffel, qu’il coordonne et inaugure en octobre, pour apporter un nouveau regard sur les pratiques sportives et communautés nées dans la rue.

L’année dernière le festival hip-hop était lié à la femme, pourquoi cette année le mettre en lien avec l’écologie ?

Comme je le disais cette année 2023 est centrée sur « prendre soin de la planète » mais la femme reste un sujet fondamental dans la programmation du mk2 et nous leur donnons la parole tout au long de l’année. Le film « Bliss » programmé mardi parlera très fort aux jeunes femmes qui voit les cultures urbaines comme un moyen de s’exprimer, de changer de vie et de s’affranchir. Nous veillons toujours avec Elisa Kepeklian, la directrice du mk2, à ce que la programmation des festivals touchent aussi les calédoniennes.

 

En plus de ce que je mentionne plus haut, Écologie et Hip Hop vont finalement très bien ensemble. Comme souvent dans les musiques populaires, c’est l’art du recyclage et de la transformation qui sert de précepte à la culture hip hop. Le graffiti use de simples bombes aérosols pour colorer la ville. Le breakdance, s’inspire des mouvements de la capoeira brésilienne et les mélangent avec les chorégraphies de films de Kung-fu. Les DJs, ne possèdent pas d’instruments et détournent l’usage du tourne disque pour échantillonner des sons déjà existant, en créant des boucles, en scratchant le sillon.

Pour la parole, c’est le mot Rap, qui devient générique.

D’abord festif, rapidement militant, le rap trouve très vite son public qui se reconnaît dans cette musique instinctive et sauvage et tout ça entre en résonnance avec l’activisme environnemental.

 

Mais pourquoi mettre le hip-hop comme pierre angulaire au mk2 ?

 J’ai grandi avec le Mouvement hip-hop en banlieue parisienne, il est évidemment le reflet de la culture contemporaine et là pour permettre à ceux et celles qui n’ont pas la parole ou très peu de moyens financiers de s’exprimer. Quand je suis arrivée en Nouvelle-Calédonie j’y ai vu un mouvement extrêmement riche qui avait sa singularité tout en conservant les valeurs universelles : expression de soi, lutte contre l’injustice, persévérance, entraide, émancipation.

Dans les fondements du mk2 il y a ces valeurs que nous souhaitons transmettre et partager avec la jeunesse calédonienne, nous sommes là pour faire le lien entre les cultures et le reste du monde mais aussi pour participer à la construction de nouveaux récits, aider la jeunesse à se construire avec de nouveaux discours dans une ville où l’urbanisation est en plein essor, dans un pays qui a besoin de se réinventer avec son histoire et un monde dont les paradigmes ont considérablement bougé ces 20 dernières années.

Il y a quelques jours le hip-hop a fêté ses 50 ans. Ces nombreuses années ont amené le mouvement en perpétuelle évolution et un potentiel qui reste encore à développer dans certaines branches. Dirais-tu que c’est un lifestyle intemporel ? Pourra-t-elle durer encore 50 ans ?

Bien sûr ! Le hip hop est une culture en perpétuelle évolution, influent et durable J il accompagne celles et ceux qui dans la rue ont quelque chose à dire avec leurs corps, leur voix, leurs gestes. Pour le rap, par exemple, si son utilisation de la rime est novatrice, il n’est pas une invention tombée du ciel. Il empruntait au parlé chanté des ballades, aux prêcheurs des églises, au scat du jazz, au jive des animateurs radios. Il est aussi le descendant moderne des Dirty Dozens, joutes oratoires bien connues des afro américains, sorte de combat verbal, inventif et souvent grossier dont le vainqueur est celui qui a le dernier mot. Il est le style le plus écouté en France et cette forme d’expression sera présente tant que l’homme aura un message à faire passer, tant que des injustices et des inégalités existeront dans nos sociétés. 

 

Le mk2 est un cinéma mais pas seulement, il s’y apparente à un espace dédié à la culture. Ceci n’est pas anodin Séverine. Explique-nous les objectifs de la structure et celle de ton équipe ?

 En s’implantant sur le territoire, nous n’avions pas seulement pour projet de construire un cinéma de plus, l’objectif était de proposer un véritable espace d’expression et de culture. Nous souhaitions dès le départ être un lieu où le métissage serait à l’honneur, métissage des communautés, des cultures, des arts, des formes, des sciences…nous organisons des festivals, sur la femme et ses violences, sur la préservation de nos écosystèmes marins et terrestres, sur les communautés LGBT ou sur le mouvement hip hop, nous regardons devant nous avec confiance et proposons à la fois spectacle vivant, concerts, théâtre et cinéma pour se divertir, réfléchir, s’enrichir.  La volonté du mk2 est de sensibiliser le public sur les enjeux actuels et de demain. Utiliser le cinéma pour faire réagir, avec les programmes d’éducation à l’image, les élèves (plus de 10.000 par an) viennent à la fois voir des films mais aussi suivre un programme pour décortiquer les films tant dans le fond que dans la forme. Nous participons ainsi à l’éducation des futurs caledonien.ne.s qui choisiront dans 10 ou 20 ans la Calédonie qu’ils.elles souhaitent faire grandir.

Des débats, des rencontres, une causerie… Mais qu’est-ce que le mk2 n’a pas encore fait ? As-tu d’autres idées pour de prochains événements ?

Nous avons encore mille projets. Un des prochains objectifs sera de partager notre savoir-faire de producteurs de cinéma. Donc produire des longs métrages qui voyageront hors du territoire pour faire connaitre la Calédonie et ses richesses et enseigner les métiers du cinéma au mk2. Rendez-vous en 2024 !

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