Larry Martin
En tête à tête avec une référence de la culture urbaine en NC : Larry Martin, sociologue et adjoint au maire pour la ville de Dumbéa.
Mr Larry Martin, pour ceux qui ne te connaissent pas, peux-tu nous décrire qui tu es ? Et qu’est-ce que tu fais ?
Je suis avant tout un père fier de ses enfants, une personne curieuse du monde, et un adepte de tout ce qui peut m’animer. Comme le mouvement hip-hop ou électro. Je réagis aussi à ce que je trouve injuste. Tout ceci m’amène à développer un regard critique sur notre monde, sur notre société et sur soi-même. Ce que j’ai pu investir dans ma fonction de sociologue. Je suis aussi adjoint au maire (de la ville de Dumbéa) pour qui j’ai une affection toute particulière. Et je n’ai pas fini encore d’apprendre et de rêver. J’ai encore des projets pour visiter le monde. Et faire en sorte que le pays puisse prendre pleinement sa place dans la région et dans le monde. Et nous sommes tout un groupe de personnes à avancer en ce sens.
Quel a été ton parcours pour en arriver là ?
Mon parcours a été celui de rencontres, de bonnes comme de mauvaises, avec des personnes qui ont cru en moi et qui m’ont porté. Et d’autres, au contraire qui ont tenté de me freiner. Chaque rencontre est une leçon qui nous fait avancer.
J’ai grandi dans le quartier de Koutio dans les années 80-90, et la culture urbaine commençait à prendre sa place au pays, et m’a invité à être curieux du monde.
Et puis le judo m’a permis d’aller voir au-delà des frontières de mon quartier et de mon île.
Après avoir passé mon bac, lors de mes études, on m’a proposé d’être animateur sportif en enseignant le judo au centre-ville de Toulouse et dans sa banlieue.
Je faisais des études en même temps en philosophie et en sociologie. L’université, c’était le lieu d’apprentissage de théories. Et les clubs et compétitions de judo furent le lieu d’apprentissage pratique de la vie. La sociologie est un sport de combat dirait Bourdieu.
Revenu au pays après 10 ans à l’extérieur, je suis resté à Lifou et ai parcouru les Iles Loyautés pendant 3 ans.
Et cela a été ma meilleure école pour comprendre une partie de ma région et une partie de moi-même.
Par la suite, j’ai occupé différents postes administratifs, associatifs, et ai mené d’autres actions et ce, dans le but de révéler le potentiel du pays.
Car je sais que chacun a un don qu’il ignore parfois. Et lorsque je vois cette jeunesse, je me rends compte que certains sont équipés pour vivre heureux, et faire du pays un point du développement du Pacifique. Il y a d’énormes enjeux des puissances mondiales qui se jouent tout autour de nous, et les jeunes ont cette fraîcheur nécessaire à notre mentalité.
Si tu ne serais pas allez dans cette direction. Où serais-tu ?
Sincèrement, je crois que je ne suis pas encore posé. Je vais y répondre très personnellement. Je suis revenu en Nouvelle-Calédonie, après 10 ans de vécu à l’étranger, pour être proche de ma famille, pour bénéficier d’une recherche de travail plus facile et à la hauteur de mes diplômes, et aussi parce que notre génération a été éduquée à l’idée de « construire le pays ». Et au retour, ce fut amusant d’observer que ceux qui nous disaient d’aller se former pour construire le pays, nous prenaient pour des concurrents. Et c’est comme ça que je me suis lancé dans la quête de révéler les compétences de notre jeunesse.
« Aujourd’hui, plutôt que de rechercher sans cesse à réparer le passé, il serait plus que nécessaire de préparer l’avenir. Et là est ma place. »
Tu es un adepte de la culture urbaine, n’est-ce pas ? Si oui, quelle discipline as-tu pratiqué ou que pratiques-tu aujourd’hui ?
Je suis content que tu me poses cette question car mes proches savent que la culture urbaine est partie intégrante de ma personnalité. Quand on est curieux du monde, on ne peut pas passer à côté. Je suis fan de Rap, de hip-hop et d’électro, de musique et de tout art en général depuis la première heure. Et je suis toujours à l’affût de la moindre nouveauté pour la resituer dans l’histoire de la culture urbaine.
Je suis fasciné par l’ urban-street wear et par l’installation d’enseignes et autres magasins de fringues hip-hop.
Je regarde les défilés au même titre que ceux des grands couturiers.
Je me teste aussi parfois à faire du son, seul ou avec mes enfants, ou à poser des textes sur nos propres compos. Cependant, je suis largué pour les expressions nouvelles, et les codes de langage.
La culture urbaine est fascinante, c’est plus qu’un mouvement, c’est une institution.
C’est une culture dynamique qui se réinvente sans cesse et qui se place comme LA culture artistique majeure. C’est cela qui est intéressant.
Je continue à pratiquer le skate mais de façon de plus en plus pépère.
Et lorsque j’entends parfois des gens dire que je fais mon jeune, je ne réponds plus car c’est leur problème s’ ils s’interdisent de vivre.
« La culture urbaine est la base selon laquelle la société réinvente la société. »
Le mouvement urbain (hip-hop, street ride, parkour,…) est en plein essor depuis quelques années, comment vois-tu cela ?
La culture urbaine, c’est l’ hold up culturel du 21ème siècle. Même la Calédonie n’est pas épargnée. Alors devinez ma joie lorsque j’ai vu Street Kingz Magazine débarquer.
C’est désormais la Culture People qui se met à influencer les grands courants d’antan, les classes dites supérieures, aisées ou riches. Posée même comme une référence, la culture urbaine inspire les cultures d’antan, soucieuses de vouloir continuer à exister et à trouver leur place dans ce nouvel ordre culturel. C’est le monde qui foisonne en elle désormais. La culture urbaine est la base selon laquelle la société réinvente la société.
Y a t-il d’autres axes possibles à emprunter pour développer un peu plus cet art selon toi ?
En 2050, 90% de la population mondiale vivra dans les villes. La culture urbaine verra son marché s’étendre de plus en plus, et c’est une industrie qui fait et fera de l’argent.
L’industrie du Rap a vu son premier milliardaire apparaître du nom de JayZ il y a quelques années.
La culture urbaine, c’est un marché financier dans lequel il faille investir. Elle est révélatrice de talents et créatrice d’emplois au niveau international.
La question qui se pose est : « Comment dans une île comme la nôtre, pouvons-nous en vivre ? Soit on s’exporte pour en vivre ? Ou soit on exporte (nos produits) ? Le « S' » apostrophe fait toute la différence. Toutefois, il existe une troisième alternative.
Le crossfit a su investir le marché calédonien et certains calédoniens savent en vivre. Cela tient à 3 conditions : Se former, entreprendre et se contenir à une concurrence faible. Sans quoi, à avoir trop de profs et de salles qui proposent la même activité, pouvons-nous en vivre correctement ?
Un clip qui date de 2013 -ASAP Rocky-Fashion Killa- traduit bien mes propos, avec une pop star internationale qui vient d’une île de 250 000 habitants (La Barbade) : Rihanna.
Alors pourquoi pas nous ?
Finalement, le ciel n’a de limite que celle qu’on se fixe.