Une figure emblématique de la jeunesse calédonienne, Alexia Duchesne, nous livre son parcours et ses motivations pour les projets liés à la culture urbaine.

Alexia

Chargée d’actions culturelles à la direction de la culture, de la jeunesse et des sports de la province Sud

Rencontre avec : Une figure emblématique de la jeunesse calédonienne, Alexia Duchesne, nous livre son parcours et ses motivations pour les projets liés à la culture urbaine. Réservée et très attentionnée, elle est notre référence pour les jeunes et les moins jeunes du caillou.

Alexia, que fais-tu exactement pour que nous t’apercevions si souvent aux évènements hip-hop ?

Je suis chargée d’actions culturelles à la direction de la culture, de la jeunesse et des sports de la province Sud dans les domaines de l’éducation artistique et des publics spécifiques. Mon travail consiste à mettre en œuvre les orientations de la politique culturelle de notre collectivité dans les domaines cités plus haut. Cela en initiant, accompagnant ou coordonnant des projets et/ou dispositifs visant à soutenir les associations, les artistes et les jeunes, notamment dans le secteur des cultures urbaines. En effet, depuis plusieurs années maintenant la province Sud valorise les cultures urbaines et les différentes disciplines qui la composent par la mise en place de formations, d’ateliers, de rencontres, d’événements, par le soutien aux créations de spectacles, d’expositions et de concerts.

Pendant plusieurs années j’ai coordonné l’événement : La Quinzaine du Hip-Hop. Durant deux semaines en avril les communes, les structures culturelles et associations ayant des projets hip-hop étaient invitées à s’inscrire dans le cadre de cette manifestation. Elles étaient soutenues par la province Sud et je les accompagnais en fonction de leurs besoins.

Le confinement a permis de réquisitionner le concept « festival » et depuis deux ans, cette manifestation a évolué en dispositif. Il s’intitule : B’Hip Hop et j’en assure le suivi.

Celui-ci vise à

  • soutenir le développement et la structuration des disciplines du hip-hop ;
  • accompagner la professionnalisation du secteur et l’émergence de jeunes talents ;
  • promouvoir l’accès à la culture pour tous en soutenant les politiques de diffusion et de médiation des structures et des communes.

Le suivi implique donc notamment que je rende sur les différents projets soutenus dans le cadre de B’ Hip Hop.

Entre la danse hip-hop, son développement et toi, il y a comme une histoire derrière tout ça. Comment a débuté l’envie d’accompagner les acteurs du mouvement ?

Lorsque j’ai débuté à la province Sud en novembre 2007, l’un des objectifs fixés par l’ex-direction de la Culture était de valoriser la pratique artistique des jeunes. C’est tout naturellement que je me suis tournée vers les acteurs du mouvement hip-hop qui à cette époque n’étaient pas tous structurés en association. L’idée était de pouvoir identifier les acteurs du secteur en fonction des domaines, les réunir pour évaluer les besoins et réfléchir ensemble aux façons plurielles de valoriser leurs talents. En effet, aucune étude de pratiques n’avait été faite mais il suffisait d’observer autour de soi pour constater que ces disciplines créées un véritable engouement chez les jeunes.

« Je trouvais intéressant le fait qu’elles soient interdépendantes et qu’elles réunissent des publics d’origines sociales et culturelles complètement différentes. »

Crédit photo : Fabrice Wenger

Ces premiers travaux en lien étroit avec l’association Street Force ont permis la mise en place du festival « Hip-Hop pour Exister » au centre culturel Tjibaou, puis le Battle of the Year l’année d’après. Plusieurs beaux projets ont suivi en partenariat avec les acteurs du mouvement, les communes, les structures culturelles, les associations mais également le vice-rectorat.Le nombre le plus important de pratiquants étant reliés au domaine de la danse, il est vrai que j’ai accentué dès le départ mon travail dans cette direction mais sans oublier les autres disciplines.

La Province sud agit et soutient beaucoup les cultures urbaines. Comment les voit-elle dans quelques années ?

Dans quelques années, la province Sud les voit toujours vivaces et en perpétuel re questionnement. Plusieurs associations sont très actives et innovent dans leur domaine. Elle ambitionne d’avoir pu accompagner les jeunes qui le désiraient à se former grâce à des dispositifs tels que la Bourse d’enseignement artistique, les artistes en devenir qui souhaitaient créer leur compagnie via le Comité d’audition, ou les aides à la création artistique pour le domaine du rap ou du graff. Les grands frères vont continuer de transmettre leur passion aux plus jeunes grâce à des crews comme Résurrection, UBC, Saïan…

La province Sud ajustera régulièrement son accompagnement en fonction des constats et des besoins des associations et des jeunes.

La plupart des spectacles, shows et battles ont lieu le week-end. Arrives-tu à conjuguer vie de famille et travail ?

Étant jeune maman depuis deux ans, j’apprends à le faire. Même si mon fils est ma priorité, j’exerce un métier passion et me rendre à des événements soutenus par la province Sud le weekend n’est pas un problème. Cela fait partie de la casquette de chargée d’actions culturelles. C’est très important pour moi et en même temps un plaisir d’aller sur le terrain afin d’apprécier le travail réalisé par les associations et artistes. Cela permet d’ajuster notre accompagnement, découvrir de nouveaux talents et d’entretenir le lien avec les acteurs du milieu.

Alexia, si tu étais une discipline urbaine, laquelle serais-tu ? Et pourquoi celle-là ?

Sans hésiter la danse et notamment le breakdance. C’est une discipline qui me touche au cœur. Il n’y a pas un argumentaire sensé pour expliquer cela. Tout le monde n’est pas sensible aux mêmes disciplines et je n’ai jamais cherché à savoir pourquoi la danse me faisait vibrer autant.

Je l’appréciais avant de travailler à la province Sud mais les différents projets que j’ai eu à mener avec les Bboys et les Bgirls locaux et internationaux m’ont sensibilisé encore plus à leur art. J’ai appris beaucoup à leurs côtés et cela continue encore aujourd’hui.

Le breakdance figurera aux Jeux Olympiques à Paris en 2024, qu’en penses-tu ? N’y aurait-il pas une fenêtre de tir pour nos bboys calédoniens ?

Je pense que c’est une belle reconnaissance pour cette discipline qui conjugue à la fois l’art et le sport. En effet, le breakdance est très technique. Il y a un côté extrêmement athlétique, avec des figures qui demandent énormément de préparation, d’entraînement comme pour les sportifs de haut niveau. De plus, tout comme c’est le cas dans le cadre de certain battle il est possible d’évaluer certaines figures de style qui sont codifiées. Par contre en breakdance il n’est pas question uniquement de performance. Cela reste de la danse et comme toute forme d’art cela reste une manière de s’exprimer et de communiquer. Il faut donc trouver le juste milieu pour ne pas le dénaturer.

Bien sûr ! Le breakdance est une discipline très pratiquée en Nouvelle-Calédonie. Le niveau est plutôt bon et certains de nos bboys auraient tout à fait leur place au sein de l’équipe française. Je sais qu’une dream team locale s’est reformée et il serait intéressant de pouvoir la mettre en relation avec les personnes référentes. Des échanges dans ce sens ont déjà commencé. À suivre donc.

Est-ce que dans 10 ans, tu te vois encore proche de la communauté hip-hop ?

En Nouvelle-Calédonie, le mouvement hip-hop est une grande et belle famille. Les acteurs et actrices de ce mouvement ont beaucoup de talent mais sont aussi très attachants. Cela m’émeut parfois de constater l’évolution de jeunes devenus artistes professionnels aujourd’hui. J’espère dans dix ans pouvoir toujours contribuer via mes missions provinciales à l’accompagnement et au développement de leur projet.

« Tout le monde n’est pas sensible aux mêmes disciplines et je n’ai jamais cherché à savoir pourquoi la danse me faisait vibrer autant. »

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