Photo d'un graff visage de grand-mèresur un immeuble de Dumbéa

All Miigthy

Un danseur qui ne passe pas inaperçu. All Miighty porte bien son blaze de krumper. Il évoque à travers ses mouvements, énormément de puissance !

Rencontre avec le danseur :

Depuis quand danses-tu ? Quelles ont été tes inspis ?

C’est lorsque j’ai regardé le film Street Dancer que j’ai commencé à m’intéresser au monde de la danse. Le film est sorti en 2003, mais je vivais sur Wallis à l’époque, avec peu de moyens de connaître l’actualité en tous genres…Je découvre cette merveille seulement aux alentours de 2007 lorsque mon collège décide de le faire passer en classe durant la fin d’année scolaire.

Sur Wallis, ce fut une véritable révélation. Mes ainés commencèrent à s’entrainer aux breakdances et organisèrent même des petits battles improvisés et des showcases de temps en temps. Ce film aida à sortir une très grande partie de la jeunesse wallisienne de l’ordinaire durant un temps. Malgré cette bouffée d’air culturelle dont je garde un très bon souvenir, la tendance passa…

Depuis, j’ai toujours aimé regarder des gens danser à la TV, sur Youtube et même en vrai quand je venais en vacances d’été sur le caillou. Je m’arrêtais toujours pour admirer les grands frères du break en training sur le damier de la Place des Cocotiers. Tous styles de danses m’intéressaient mais il est vrai que je fus particulièrement captivé par 3 danseurs en particulier : Tight Eyes (créateur du Krump) et les Twins.

Malgré le grand intérêt que je développais tout doucement pour la danse, je ne réussis à vaincre ma timidité que très tard, en 2015. J’ai alors 22 ans lorsque je vois pour la 1ère fois un krumper en chair et en os. Il s’appelle Yoan Ouchot, plus communément connu sous le nom « Pa Yo ». Un choc littéral pour moi. Avec son groupe (dont je ne me rappelle plus le nom) il était en showcase à l’Arène du Sud à l’occasion de la conférence internationale de la jeunesse et des sports dans le Pacifique (Pacific Youth and Sport Conference), durant laquelle j’étais bénévole pour l’Université.

C’est alors que j’intègre le groupe de dancehall de l’Université de la Nouvelle – Calédonie, dont les chorégraphes étaient Auguste et Ruben, avec qui je reste en bon contact depuis et à qui je dois le courage que j’ai eu pour débuter. Nous avions créé l’Association de Danse des Etudiants de la NC (AENC) avec laquelle je suis entré très rapidement dans le bain. Nous avions un rythme de prestation assez soutenu, ça m’a beaucoup aidé à surmonter le stress avant d’entrer sur scène.

Parmi l’un de ces showcases, un entracte de battle all style au Rex. J’y fais la connaissance d’El Kana. Un pilier du krump Calédonien et est depuis, un ami avant tout. C’est alors que commence mes premières leçons de krump. Il m’a appris une très grande partie de ce que je sais faire aujourd’hui et m’a fortement influencé à adorer le milieu « Battle ». C’est avec Amiral Kana (Dylan) que je commence à travailler mon personnage krump, toujours sous la supervision d’El Kana.

Mes influences principales n’ont que très peu changé depuis : Tight Eyes en 1ère place. Ensuite…James Brown, Michael Jackson, Les Twins, Sean Lew…

C’est quoi le krump pour toi ?

Le krump pour moi c’est une revanche sur mon enfance. Jusqu’à mes 22 ans, je n’avais jamais dansé, même pas en soirée ni même le soamako (la danse de ma culture). Je n’ai commencé à danser qu’après mes 22 ans. J’étais quelqu’un d’extrêmement timide et introverti.

C’est un des meilleurs outils que j’ai pour évacuer mes pensées les plus tristes, à faire passer le temps quand j’ai besoin d’oublier certaines choses et tout simplement pour prendre du bon temps. Là où j’ai le plus de plaisir à danser, c’est en battle.

« Je suis littéralement addict à cette adrénaline que je ressens en battle…J’adore ça. »

Est-ce que tu racontes quelque chose lorsque tu danses ?

Oui, c’est un des principes fondamentaux du Krump. La « Storytelling » qui veut dire en français « narration ». Je pense que c’est la particularité que je préfère dans ce style de danse, raconter des choses à chaque mouvement…souvent, ce sont des choses que le spectateur ne peut pas comprendre mais ce qui est sûr, c’est que c’est quelque chose qu’il ressentira, dans la mesure où le krumper est sincère dans sa danse.

Cela peut être une petite histoire de rien et tout à la fois. Plusieurs facteurs aident à la construction d’une histoire, la musique, les paroles de la musique, l’état physique, mentale et émotionnelle dans lequel on se trouve, les personnes avec qui l’on est, le ou les sujets sur lesquels s’articulera l’histoire, l’endroit même où l’on danse.

Ça veut dire quoi pour toi être un artiste ?

La définition commune la plus simple est « qui pratique l’art ». Je pense que cela est suffisant, à peu de chose près. Je n’accorde pas vraiment d’importance à définir ce mot car aujourd’hui, n’importe qui faisant n’important quoi, peut-être défini en tant qu’artiste et son talent est évalué à hauteur de ce que la jauge « réseau sociale » indique. Ce qui est dommage. La tendance met en abîme des talents insoupçonnés, et ce dans toutes catégories d’art confondues…

Le 1er exemple qui me vient en tête est un guitariste brésilien que je suis depuis plus de 10 ans maintenant. Son nom est Mateus Asato, un génie, littéralement.

Il a sa petite communauté sur les réseaux mais rien n’est à hauteur de son talent. Ce guitariste est à mes yeux, le numéro 1 mondial incontesté dans l’improvisation soliste.

2e exemple, un acteur canadien, Ryan Gosling. Il est tellement sous côté que ça me fait mal rien que d’y penser. Je pense notamment à son 1er rôle dans le film Drive, qui est à mon sens un pur chef-d’œuvre. Il y joue un chauffeur anonyme énigmatique, véhiculant des cambrioleurs et dont le but est de les transporter à l’abri des policiers etc…

En résumé, « artiste » est un mot que l’on attribue très facilement de nos jours et que l’on emploie avec beaucoup de légèreté…peut-être trop. Enfin, ce n’est que mon humble avis.

As-tu des projets, des défis à relever ?

Cela fait quelques années que le mouvement « debout » calédonien est en régression en matière d’effectif. Il est assez triste de constater qu’il est à chaque fois délicat de trouver assez de danseurs debout pour pouvoir organiser des battles debout.

C’est pourquoi en 2023, avec Clément Foussier, Sera Hnani et deux amis avec qui je suis en cours de discussion à ce sujet, nous projetons d’organiser plusieurs compétitions de danse debout dans le but de redynamiser le mouvement.

Quelles sont tes plus belles victoires ?

Alors quand je parle de « victoire » je pense directement à battle ! Je pense alors à la 1ère fois que j’ai réussi à battre Stanley Nalo en 1 contre 1 (après 3 ou 4 ans d’acharnement), catégorie All Style. Stanley, aussi connu sous son blase « Natsu » est un ami proche avec qui je me suis beaucoup entrainé. Il est considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs danseurs du caillou…Je le considère personnellement comme le danseur debout le plus complet et le danseur de battle le plus fort actuellement en NC.

Sinon dans un sens plus large, comme je le disais un peu plus tôt, la danse, le krump, représente pour moi une revanche sur la vie que j’avais jusqu’à mes 22 ans. Le krump m’a aidé à m’épanouir dans une certaine mesure et me sortir de certains moments compliqués de ma vie. Encore aujourd’hui.

As-tu un message à transmettre à nos lecteurs ?

À tous les danseurs à qui le mouvement debout manque autant qu’à moi, ne lâchez pas les entrainements et tenez-vous prêts car 2023 risques d’être une année mouvementée et riche en émotion.

À tous ceux qui sont plus ou moins curieux, n’hésitez pas à vous rapprocher du Rex ! Vous y trouverez toutes les infos dont vous avez besoin, cours de danse, battles de danse, profs de danse etc,…

Et à tous ceux pour qui les temps sont durs actuellement, accrochez-vous. Le mal ne dure jamais longtemps tant que vous êtes bons et que vous êtes sincères avec vous-même. Soyez bons avec vos proches et rendez leur l’amour qu’ils vous donnent.

Je souhaite à tous une excellente continuation dans tous vos projets d’avenir !

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