"L'amour que j'ai pour le hip-hop commençait en 1998 lorsque mon grand frère (Jean-Marc) se mariait. Un groupe de cousins se produisait et c'était le crew "Yanness".

Crédit photo : David Bouyer

Bboy Neps - Directeur, commercial et chargé des artistes du magazine Street King'z

« L’amour que j’ai pour le hip-hop commençait en 1998 lorsque mon grand frère (Jean-Marc) se mariait. Un groupe de cousins se produisait et c’était le crew « Yanness ». Les voir danser me donnait envie de pratiquer. À l’époque, c’était le smurf, la hype, … Bien sûr, je les regardais un long moment avant de me lancer. Ils étaient de vrais modèles pour moi. Ce qui était le plus motivant et captivant, c’était le fait qu’ils faisaient partie de ma famille. J’ai intégré le groupe en commençant par une chorégraphie dans les années 2000.

Manque de repère et de cocon familial, à la suite du divorce de mes parents à mes 9 ans, mon envie d’extérioriser était vraiment profonde. La danse arrivait à point nommée. En plus de ça, nous sortions d’une période tragique pour la Nouvelle-Calédonie, surtout nous les enfants nés pendant et juste après les événements.

Nos parents ainsi que nos familles ont vécu les événements, du moins, on était des militants actifs et des deux côtés. Issue d’une famille aux convictions différentes : d’un papa loyaliste et d’une maman venant d’une tribu indépendantiste, j’étais un peu tiraillé entre deux mondes, mais ce qui était bien dans tout ça, c’est que ça n’a jamais été une source de conflits malgré leurs avis différents.

Ils se respectaient. Par rapport à tout ça, ce qui me marquait le plus pendant mon enfance, c’était à l’école, car on nous interdisait de dire le mot « kanak » ou même de venir avec des objets et/ou tee-shirts marqués de signes identitaires tels que la flèche faitière ou autres. Une période assez difficile à expliquer, preuve que le pays vivait des choses extrêmement dur, un mal-être surement.

Crédit photo : David Bouyer

Le divorce de mes parents accentuait le fait que je cherchais à choisir un mode de vie ou quelque chose du genre, mais la danse me permettait au contraire d’allier ses deux états d’esprit et de n’en faire qu’un.

Tout a débuté avec le groupe Yanness et par la même occasion avec le groupe « Amers ». C’était le groupe qui désignait notre quartier dans notre tribu à Qanono. Je serais toujours reconnaissant envers mes deux 1ers groupes, car c’étaient des groupes où on dansait en famille.

Samane, Jessica, AshnR, Neks, Namas, Déo, Ginette… Tellement de cousins-cousines que je ne pourrais pas tous les nommer : KJ, Bertrand,Waïé, Florianne, Steeve, Joan, Cathy (qui est ma belle-sœur) étaient des exemples. Je me dois de rendre hommage et dire merci, car sans toutes ces personnes-là je n’aurais pas eu la flamme de la danse. Je suis obligé de mentionner Simane (mon cousin et le petit frère de Samane) qui était quelqu’un d’important dans ma jeunesse. Il l’est actuellement encore. Nous commencions à peu près ensemble à faire des chorégraphies. Lui un peu avant, avec beaucoup de souvenirs en tête. Les plus belles années pour moi. On se complétait, il m’apprenait à faire la hype et à danser debout. Au fur et à mesure du temps, je lui apprenais la roue sans les mains ainsi que des figures de break devant une bute pas loin de la maison.

Plus tard, je décidais de me consacrer exclusivement au break, j’ai quitté Yaness pour faire mon groupe en 2006 et je rentrais aussi dans SBC (Saïan Breaker Crew), qui était la référence dans le breakdance calédonien.

Je créais DBC « Dragon ball Crew » avec Dexo (un autre cousin), qui était une petite dédicace au manga que nous kiffions. C’était un groupe des quartiers de Sowetos (Tuband) et VDKRS (Portes de fer) mais composé aussi des membres de la famille. Nous avions même gagné le Battle of Païta en 2007 avec DBC. En ce qui concerne Saïan Breaker, c’était vraiment le crew qui a fait naitre en moi l’envie de progresser, de me surpasser. Pio était le leader, il était le fil conducteur et nous le suivions partout. La motivation et le dépassement de soi, Pio incarnait tout cela et ce n’est pas pour rien qu’il était le meilleur Bboy ! À ce jour, pour moi, personne n’a encore réussi à avoir le niveau qu’il avait d’antan. C’était une force de la nature dans le break.

Son départ en métropole nous avait tous marqués et plusieurs d’entre nous ont arrêté la danse quand il est parti.

Maintenant qu’il est revenu, ça nous donne une motivation supplémentaire pour ne pas lâcher le floor et de mettre en application ses méthodes de travail. Notre motivation n’a fait que croître.

Crédit photo : David Bouyer

En 2013, avec SBC, nous avions réussi à partir pour le Battle Of The Year France et par le plus grand des hasards, on a participé à un événement international : le « Trophée Master Pro ».

En 2014, avec la dream team Black-out, j’ai participé de nouveau au Battle Of The Year France et nous sommes allés en demi-finale.

En 2015, c’était la dernière participation de la team.

Les années 2014, 2015, 2018 et 2019 (en demi-finale), nous sommes allés en Australie (crew ou team), pour surpasser nos performances au Destructive steps sur Sydney. De super souvenirs que nous voulons continuer d’emmagasiner.

J’ai aussi participé au R16 Oceania en Australie à la suite de la qualification que j’ai remporté au pays, mais j’ai été éliminé au 2eme tour face à « Bboy Yogi » alias Brad, qui a en plus remporté la compétition. C’était le rival de Pio dans la zone Océanie à l’époque, c’était le meilleur breaker Australien et pour moi il l’est toujours.

Entre 2016 et 2017, je n’étais plus en Calédonie, je décidais de rejoindre mon père. Il avait refait une nouvelle vie au Canada. Je ne l’avais pas vue pendant 8 ans et ce départ, était lié à la perte de ma grande sœur qui s’était suicidée en métropole. J’avais besoin de prendre du recul et d’être auprès de lui pour que l’on surmonte ensemble cette épreuve. Ça nous a fait le plus grand bien. J’y suis resté 9 mois : j’ai donné des workshops pour les bboys canadiens et eux m’ont en donné, j’ai été jury pour un battle et j’ai pratiqué des entrainements réguliers avec le groupe de Bboy « Illz », le crew « Groundiluzion ». Ils m’avaient proposé une fois d’aller aux Etats-Unis pour faire un événement en 3vs3 mais c’était assez compliqué à organiser, je le regrette un peu maintenant, mais bon c’est comme ça.

Retour au pays en 2017, date à laquelle je mets véritablement un point d’honneur à commencer à fonder ma famille, puisque je me concentre sur mon couple et ma belle-fille. Ma femme me donne en plus de ça un enfant. Je suis heureux comme jamais je l’ai été auparavant. On fonde ensuite Street King’z. Sans elle, ce projet n’aurait jamais pu aboutir, d’ailleurs je ne la remercierai jamais assez. Bien sûr, sans oublier que notre associé et petit frère Solo (que je connais depuis plus de 10 ans) nous a rejoints dans l’aventure.

Une aventure familiale qui ne compte pas s’arrêter là ! Il y a tellement de potentiel chez nous et beaucoup d’énergies positives que nous devons continuer de partager avec le public. Nos artistes urbains méritent une attention particulière, ils contribuent au développement culturel de la Nouvelle-Calédonie et ils se réapproprient leurs cultures originelles toutes

ethnies confondues.

Yanness, Amers, DBC, SBC, Thugz school, Black-out, Wolfamily… Me remémorez les crews avec lesquels je dansais ou ceux avec lesquels je danse actuellement, me rendent nostalgique. « Reconnaissance » est le mot qui me vient à l’esprit quand j’y repense.

Et surtout, voyez l’art urbain d’un bon œil ! »

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